Au fil de mes lectures : L’amour, la Fantasia, Assia Djebar.

« L’Algérie, la femme ». Loin de moi la vantardise de changer le titre de ce superbe roman mais c’est bien de cela qu’il s’agit. Assia Djebar, dans un style raffiné de très haute tenue nous immerge dans le pays qui est le sien: l’Algérie précoloniale, l’annexion brutale, la guerre d’indépendance et les années qui suivirent.

Il est question ici de mémoires et de déchirures. La mémoire d’abord, celle des premiers conquérants français, des premiers résistants à l’envahisseur. Mémoires de la guerre d’indépendance, celle menée par les moudjahidines ou fellaghas, les atrocités banales commises dans tous les camps.

Les déchirures ensuite. Déchirures de toutes ces femmes qui perdent un fils, un père, un frère, ou subissent en silence et en secret la honte du viol. Déchirure de l’auteure, femme entre deux cultures, deux pays, deux langues. La langue arabe, belle, faite pour être scandée, pour la prière, celle de la soumission des femmes et de l’enfermement de leur corps. La langue française, libératrice dans ce qu’elle autorise aux femmes mais qui est aussi celle de l’envahisseur, du colon, de l’ennemi.

Rien ici n’est manichéisme, rien n’est simple mais tout est criant de vérité.

Assia Djebar est née en 1936 à Cherchell, Algérie. Sa vie, que retrace partiellement cette autobiographie , à laquelle se rajoutent des récits de témoins rencontrés ou des témoignages collectés çà et là est à elle seule une page d’histoire. Assia Djebar a fréquenté l’école coranique puis un lycée français à Alger. Elle est entrée en Khâgne à Fénelon avant d’intégrer l’École normale supérieure dont elle est exclue en 1956 pour avoir soutenu les indépendantistes algériens. Le général De Gaulle lui-même, admirateur de son talent littéraire, lui fait réintégrer l’école de la rue de Sèvres. Après l’indépendance de son pays en 1962, elle enseigne quelques temps l’histoire moderne et contemporaine à Alger avant de quitter l’Algérie en désaccord avec la nouvelle loi imposant l’arabe comme langue d’enseignement.

En 2005, elle est élue à l’Académie française.

Elle meurt le 6 février 2015 à Paris.

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