En préambule, étant donné les réactions épidermiques qui ont envahi les réseaux sociaux à l’occasion du décernement du prix Nobel, je précise que j’ignorais tout de cet écrivain, qu’il s’agisse de ses livres ou de ses prises de position politiques et polémiques.
Ne souhaitant pas demeurer dans l’ignorance dont Roland Barthes nous dit qu’elle enfante le préjugé, j’ai déniché à la médiathèque de Saint-Denis, le seul ouvrage en rayon d’Annie Ernaux, « Ce qu’ils disent ou rien ».
Édité en 1977, ce roman de 166 pages ressemble à une autobiographie romancée, il me semble qu’on dit aujourd’hui, fiction autobiographique.
Anne, pas tout à fait seize ans est une jeune fille en colère. En révolte contre ses parents qu’elle trouve veules, insipides, conformistes, murés dans leurs habitudes et leur condition de prolétaires soumis. En révolte contre la société, injuste, inégalitaire, traditionnaliste. En colère contre les garçons, bien que fortement attirés par eux, car ils disposent de plus de possibilités que les filles. En colère contre Mathieu, avec qui elle a fait l’amour pour la première fois, et qui l’a laissée tomber après avoir appris sa deuxième expérience sexuelle.
On pourrait reprocher à l’héroïne du roman d’être antipathique. Si on suit ce chemin les personnages de Charles Bukowski ne le sont guère non plus, tout comme le Bandini de John Fante et bien d’autres. Pour ma part j’ai trouvé le ton juste, le style un peu déroutant (mais on s’y fait), et surtout une immersion très crédible dans l’ambiance de ces années où porter des lunettes donnaient des complexes, qui furent, ne l’oublions pas, les années de révolte de toute une jeunesse. J’ai beaucoup aimé certains passages, en particulier celui sur les auto tamponneuses, plaisir aujourd’hui dépassé, qui réunissaient à l’époque les filles en demande de flirt et les adolescents encanaillés.
Pour conclure, je ne me prêterai pas au jeu de savoir si Annie Ernaux mérite ou non son prix Nobel (qu’y suis-je pour en juger ?), mais je dois avouer que ce livre m’a replongé avec talent dans l’état d’esprit d’une jeunesse où se confondaient souvent crise d’adolescence et remise en question intransigeante de l’ordre établi.

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